lundi 26 août 2013

La théorie de l'espace de chaînage

  
Le dédoublement entre PERFORMANCES ATTENDUES et SITE lors d'une automatisation d'une ligne de fabrication de yaourts

Le projet présenté dans l'ouvrage "REUSSIR L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF" publié aux Ed. d'Organisation et co-rédigé en 1985 par le cabinet IECI et BSN, consiste à automatiser des lignes de fabrication de yaourts (18 000 pots de yaourt à l'heure).

La ligne de production, avant même d'être introduite dans l'usine de BSN, possède un calibre de temps propre imposé par l'intensité de sa performance : la "minute". La cadence de production (300 pots à la minute) introduit une extraordinaire valorisation des incidents et des micro-arrêts. L'unité de temps d'action se tient dorénavant dans la minute, voire la fraction de minute.

Tout ce qui entrave l'action humaine et l'empêche d'intervenir dans la minute doit être supprimé ou réduit au minimum. Tous les éléments qui interviennent dans le cycle "prise d'information / choix de l'action / communication avec les collègues / action" doivent être dorénavant pensés à l'intérieur de ce calibrage "agir dans la minute".

Ce calibrage "agir dans la minute" supplante tous les calibrages existants antérieurement sur les lignes de fabrication de yaourts. La nouvelle ligne de production sera méthodologiquement dédoublée : d'un coté, elle contribuera à reformuler les PERFORMANCES ATTENDUES, de l'autre elle ne sera qu'un élément rentrant, au coté d'autres éléments, dans un fonctionnement variant à l'intérieur de la nouvelle taille de calibre.

Faisant partie du SITE, la nouvelle ligne de production obéira aux règles d'optimisation du futur fonctionnement. Ce qui est à insérer dans ce SITE, cela sera une ligne de production remodelée, qui, à performance égale, satisfera au nouvelles conditions de fonctionnement. Le cahier des charges reste à faire.

Un premier diagnostic mené dans l'usine débouche très vite, raconte le livre, sur les exigences suivantes :

* La fiabilisation maximum des opérations critiques : pose d'opercules, thermo-scellage, datage, encaissement en bout de ligne.

* La mobilisation immédiate du personnel sur un incident, avec possibilité pour celui‑ci d'intervenir sur des pannes légères.

* La facilité de surveillance des machines et des cadrans.

* La polyvalence des équipes.

* Des coopérations et communications aisées.

* La réduction des écarts de qualification entre les opérateurs et les professionnels de la maintenance.

Les exigences sont à l'évidence interdépendantes. Les auteurs font de la "qualité de communication" l'objet de gestion central au système socio‑technique : un bruit minimum, le travail en équipe, l'implantation des machines rythmée selon des groupes de travail, la réduction des écarts de qualification, etc...

* La mobilisation immédiate du personnel sur un incident, avec possibilité pour celui‑ci d'intervenir sur des pannes légères amène à modifier les qualifications pour rapprocher les ouvriers des techniciens de maintenance;

* La surveillance des machines et des cadrans amène à modifier le design et la taille des équipements;

* La polyvalence des équipes, exigée par les réductions de personnel, doit être couplée avec une élévation des compétences de tous;

* Des coopérations et communications aisées excluent l'ambiance actuelle où chacun râle contre les autres et le règne du "dem... toi-même", amenant à faire du projet une démarche largement participative.

La diversité des modes de communications fait de "la qualité de communication" ce que nous définirons comme l'espace de chaînage des autres objets de gestion.

La fiabilité émerge, à coté de la communication, comme un second espace de chaînage des objets de gestion. La cadence de production introduit en effet un second calibrage : "la régularité du flux". Au bout de la ligne de fabrication projetée, on l'a dit, des opérations sont critiques car elles ont une forte probabilité d'incidents : pose d'opercules, thermo scellage, datage, encaissement en bout de ligne. Ces incidents dégradent plus que d'autre la performance attendue. Les incidents qui étaient auparavant "supportables" sont désormais proscrits.

Le "zéro panne" est imposé aux fournisseurs afin que leur matériel ait une fiabilité maximum. Par ailleurs, le souci de la fiabilité amène à prévoir l'automatisation des manutentions et l'installation de nouvelles machines de packaging. Par ricochet, la systématisation de l'automaticité conduit à anticiper sur une conduite centralisée de la ligne, et à réserver des implantations pour les futurs équipements périphériques.



La nouveauté théorique des notions de SITE et d'INSERT

Le principe fondamental qui est ici mis en avant est : le chaînage du fonctionnement est assuré par un objet de gestion particulier, qui donne la mesure de la part demandée aux autres objets de gestion. Voilà la portée théorique des notions de SITE et d'INSERT : elles désignent un espace interne à un objet de gestion, espace composé de variables qui, par leurs valeurs vont proportionner les autres objets de gestion, en raison d'une ou de plusieurs performances attendues. 

Le SITE et l'INSERT sont des êtres méthodologiques nouveaux qui n'existent pas pour l'instant dans la science de la gestion. La gestion valorise actuellement la notion de performance, liée aux notions de produits vendus et de ressources que l'on consomme. Bien sûr, il s'agit de maximiser le produit des ventes et de minimiser les ressources consommées. Les progrès en gestion ont consisté à créer des domaines de gestion, puis dans un deuxième temps, des objets de gestion.

Les domaines de gestion visent à réunir et à optimiser les moyens de gestion spécifiques à un type de ressource : la ressource "matières", la ressource "finances", la ressource "informatique", la ressource "transport", la ressource "humaine", etc... Un pas supplémentaire a consisté à coordonner ces domaines de gestion par rapport à des objets de gestion. Les objets de gestion articulent les domaines de gestion sur des plans d'actions précis afin d'atteindre une cible commune et délimitée.

L'important est de proportionner sur chacun des objets de gestion l'ampleur de chacun des domaines d'action. Cela ne sert à rien de baisser les prix de façon systématique sur tous les séjours. Il faut plutôt baisser les prix de façon sélective en fonction d'un type de produit que l'on cherche à promouvoir à une période donnée de l'année. Ce type de produit, systématisé, demande une redéfinition des services fournis. Cela conduit à modifier le rythme de production, la rotation des produits en stock, etc...

On voit apparaître un chaînage entre les objets de gestion : type de produit, période de l'année, service à la clientèle, produits en stocks, etc... Améliorer la gestion des ressources sur ces objets, c'est bien, mais l'on ne maîtrise pas l'impact de cette amélioration sur les performances de l'ensemble de l'organisation. Ce chaînage ne peut s'évaluer que par rapport à une performance d'ensemble qui prenne en compte l'ensemble des interactions d'un fonctionnement.

Faire d'un objet de gestion la trame du chaînage, permet d'en décliner les prédicats afin d'examiner au cours du temps les variations des différents prédicats. Ici, dans le cas décrit, les objets de gestion qui assurent le chaînage sont les objets "communication" et "fiabilité". Cela permet de déterminer, entre tous les différents modes de communication et de fiabilisation, ceux sur lesquels il convient d'agir pour améliorer la performance d'ensemble.

Cela signifie que le choix de l'objet de gestion que l'on développera en espace de chaînage, est un choix essentiel. Cet objet de gestion sera en effet le relais de la performance dans l'organisation. Il est possible d'indiquer le principe de ce choix en mettant en valeur le rôle assuré par la taille de calibre qui est commune aux indicateurs de performances et aux espaces de chaînage.



Le "délai" de la gestion classique n'est pertinent que par rapport à des performances singulières

Un produit est livré à un client à une certaine date. Entre la signature du contrat et la livraison du produit, existe une quantité de temps nommée "délai". Le "délai" n'est un espace de chaînage que s'il s'inscrit dans un calibre défini par des performances attendues. Voilà déjà un grand enseignement : si les variations de performances de l'organisation ne s'expriment pas dans l'ordre de la "durée", le "délai" n'a pas à être privilégié.

Nous allons donc supposer deux types de performances qui font intervenir le temps de la durée :

- utiliser les taux de crédits les plus bas possibles, en restant à l'intérieur des niveaux de crédits utilisés, niveaux choisi par rapport à une durée maximale,

- minimiser les surconsommations de ressources par rapport aux consommations standards par unité de temps.

Une série d'actions est ordonnancée au cours du temps, actions qui consomment des ressources. Le critère de productivité exige que les ressources soient utilisées au plus juste. Cela est possible si le délai est variable à volonté. Cependant, le délai maximum est fixé à partir, soit à partir des recettes liées à la finalisation du produit, soit des surconsommations à éviter. Pour trouver un compromis entre la productivité et un niveau de résultat, Il faut pouvoir faire varier le délai.

Ces actions sont structurées en cycle, de façon à ce qu'un cycle se conclu par une recette. Le crédit est nécessaire à l'engagement des ressources tout au long du cycle de l'action, avant que celle-ci déclenche une recette. Un niveau et une durée de crédit sont déterminés par un indicateur "montant du crédit autorisé", allant dans le sens d'une limitation du montant de crédit, alors que l'indicateur "rapidité de la recette" va dans le sens d'une augmentation du montant de crédit engagé.

L'objet de gestion "délai", englobant à la fois le crédit autorisé maximum et la rapidité de la recette, devient un espace d'optimisation : il s'agit à la fois d'être performant sur la "rapidité de la recette" et sur la "limitation du crédit engagé". Dans cet espace de gestion, desvariables sont à définir sur lesquelles il sera possible de jouer afin de trouver le compromis le plus acceptable entre deux, trois, X indicateurs.

Ces variables seront définies à partir des différents types de délais. Il y a un savoir latent dans une entreprise sur les facteurs qui expliquent la variation d'un délai. La démarche proposée ici préconise d'isoler chacun des facteurs, et de les placer côte à côte pour avoir la possibilité de faire varier chacun des facteurs indépendamment des autres.

Actuellement, on voit apparaître dans l'industrie une série d'espaces de chaînage inédits : la longueur d'une série, le niveau des en-cours ou la tension du flux, le temps de rotation d'une pièce en stock, la disponibilité d'un équipement, la qualité d'un produit. Beaucoup de ces espaces de chaînage ont été initiés par les industriels japonais.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire